L’essor du jeu en ligne a bouleversé le monde des paris et des jeux d’argent et de hasard. Pourtant, en France, l’équilibre entre ouverture économique et protection des joueurs repose sur un arsenal juridique complexe. Afin de comprendre quelle loi s’applique aux casinos en ligne, il est essentiel d’identifier le cadre général, les exceptions et les nouvelles réglementations qui encadrent cette activité.
Le cadre juridique des jeux d’argent et de hasard en ligne
La législation française part d’un principe clair : les jeux d’argent et de hasard sont interdits lorsqu’ils reposent sur un sacrifice financier, l’espoir d’un gain et une part de hasard. Ce principe figure à l’article L.320‑1 du Code de la sécurité intérieure. Il s’accompagne d’exceptions permettant d’ouvrir le marché à certaines offres autorisées, sous un contrôle strict de l’Etat et d’un organe de régulation.
Principe de prohibition et dérogations
Le principe de prohibition repose sur la volonté de limiter les risques d’addiction, la fraude et le blanchiment d’argent. Les jeux d’argent sont tolérés uniquement si la loi les autorise explicitement. L’article L.320‑6 du Code de la sécurité intérieure liste les dérogations : paris hippiques et sportifs, jeux de cercles (poker) et quelques monopoles publics comme la loterie nationale. Toute offre qui n’entre pas dans ces catégories est illégale.
La loi n° 2010‑476 du 12 mai 2010
Adoptée pour encadrer l’ouverture à la concurrence du secteur en ligne, cette loi constitue une pierre angulaire du dispositif. Elle fixe les conditions d’agrément des opérateurs, leurs obligations en matière de prévention et de protection des joueurs, la lutte contre les manipulations sportives et le blanchiment d’argent. Elle autorise l’exploitation en ligne de trois types de jeux : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker. Les autres jeux de casino (machines à sous, roulette, blackjack virtuel) restent explicitement exclus. La loi prévoit également des sanctions pénales pour les opérateurs non autorisés.
L’ordonnance du 2 octobre 2019 et la création de l’ANJ
Pour renforcer la régulation, l’ordonnance n° 2019‑1015 a réformé l’organisation du secteur et créé l’Autorité nationale des jeux (ANJ), qui remplace l’ancienne ARJEL depuis le 1er janvier 2020. L’ANJ supervise l’ensemble des acteurs : loteries, paris en ligne, paris hippiques et casinos terrestres. Elle délivre les licences, contrôle la conformité des opérateurs et prononce des sanctions. L’ordonnance a également clarifié les définitions de jeu d’argent et de jeux de hasard pour mieux distinguer les jeux réglementés des jeux promotionnels ou gratuits.
Jeux autorisés en ligne et catégories exclues
Comprendre la loi implique de distinguer les jeux autorisés de ceux qui restent interdits. Le Code de la sécurité intérieure identifie des catégories précises qui peuvent être proposées sur internet.
Paris hippiques, sportifs et poker
Le pari hippique est autorisé sur les courses déterminées par décret. Seules les opérations agréées peuvent proposer ces mises, dans un cadre détaillé par les décrets du 12 mai 2010 et du 17 mai 2010. Les paris sportifs sont réglementés de manière similaire : la liste des compétitions ouvertes aux paris est fixée par la loi et toute forme de pari exotique (spread betting, bourse de paris) est proscrite. En 2016, un décret a élargi la liste des variantes de poker en ligne autorisées, mais la pratique reste encadrée et ne concerne que les opérateurs titulaires d’un agrément.
Monopoles de la FDJ et du PMU
La Française des jeux (FDJ) et le Pari Mutuel Urbain (PMU) conservent des monopoles. La FDJ détient l’exclusivité des loteries et jeux de grattage en ligne et en points de vente. Le PMU gère les paris hippiques en points de vente et sur les hippodromes. Ce régime de monopole s’explique par des raisons historiques et fiscales ; il constitue une exception notoire au principe de concurrence européen.
Interdiction des casinos en ligne et des eSports
La loi interdit la mise en ligne de jeux de casino classiques (machines à sous, roulette, blackjack, baccara, etc.). Seuls les casinos terrestres autorisés par le Ministère de l’Intérieur peuvent exploiter ces jeux dans leurs locaux physiques. La jurisprudence, confirmée par des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, reconnaît la légitimité de cette restriction visant à protéger la santé publique et à prévenir le blanchiment. Les paris sur les compétitions d’eSport sont également prohibés, bien qu’ils puissent faire l’objet de propositions de loi. En 2023 et 2024, plusieurs amendements proposant la légalisation des paris eSport ou des casinos en ligne ont été discutés puis rejetés.
Procédure d’agrément et rôle de l’ANJ
Pour offrir des jeux d’argent en ligne, les opérateurs doivent obtenir un agrément délivré par l’ANJ. Ce processus comprend plusieurs étapes et obligations.
Conditions d’obtention de licence
L’ANJ examine la solidité financière et la fiabilité des candidats. L’opérateur doit présenter un dispositif de jeu responsable, incluant des limites de dépôt, des systèmes d’autolimitation et d’auto-exclusion. Il doit fournir des garanties de protection des données personnelles, de transparence des algorithmes et de lutte contre le blanchiment. La licence est valable cinq ans et est renouvelable sous conditions.
Contrôle et obligations permanentes
Une fois agréé, l’opérateur doit respecter un cahier des charges. L’ANJ supervise en permanence les taux de retour aux joueurs (RTP), la publicité, la prévention de l’addiction et la lutte contre les fraudes. Elle peut exiger des ajustements ou retirer l’agrément en cas de manquement. Les joueurs disposent d’un fichier des interdictions volontaires qui leur permet de se bloquer temporairement ou définitivement de toute offre de jeu.
Sanctions pour les casinos en ligne illégaux
Le cadre réglementaire prévoit des mesures strictes contre l’offre illégale de jeux de casino sur internet.
Peines encourues pour les organisateurs
Proposer des jeux d’argent interdits constitue un délit. Selon les dispositions pénales issues de la loi de 2010 et du Code de la sécurité intérieure, les organisateurs non agréés encourent jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 90 000 € d’amende. En cas délictuelle de bande organisée, les peines peuvent atteindre sept ans d’emprisonnement et 200 000 € d’amende. Des peines complémentaires (confiscation des matériels, interdiction d’exercer, fermeture du site) peuvent être prononcées. Les sanctions fiscales s’ajoutent aux peines pénales ; la Cour de cassation a rappelé que l’organisateur d’une loterie prohibée peut être condamné à des amendes fiscales en sus des peines d’emprisonnement.
Responsabilité des joueurs
Les joueurs qui utilisent des sites de casinos en ligne illégaux ne sont pas poursuivis pénalement. Toutefois, ils prennent des risques : absence de recours en cas de litige, absence de garanties sur la protection des données ou l’équité des jeux, et exposition à d’éventuelles escroqueries. La loi prévoit que les publicités pour des sites illégaux sont interdites et que les influenceurs qui promouvoient des offres sans agrément s’exposent à des sanctions.
Évolutions récentes de la législation
Si la réglementation semble immuable, plusieurs récentes initiatives montrent une volonté d’adapter le cadre juridique à l’évolution des usages numériques.
Loi 2024‑449 et les jeux à objets numériques monétisables (JONUM)
La loi du 21 mai 2024 relative à la sécurisation et à la régulation de l’espace numérique a introduit un nouveau régime pour les JONUM (jeux à objets numériques monétisables). Ces jeux permettent de gagner des jetons ou des objets numériques pouvant être revendus à des tiers. Les articles 40 et 41 de cette loi définissent ces objets et prévoient un encadrement rapprochant ces jeux du régime des jeux d’argent : identification des joueurs, lutte contre l’addiction et obligations anti‑blanchiment. Toutefois, ces règles ne concernent pas directement les casinos en ligne traditionnels ; elles reflètent l’adaptation de la loi à l’économie Web 3 et aux NFT.
Projets de loi et amendements sur la légalisation des casinos en ligne
Plusieurs initiatives parlementaires ont envisagé d’autoriser les casinos en ligne en France. Le projet JADE présenté en 2020 proposait de réserver l’offre de jeux de casino en ligne aux seuls casinos terrestres. En octobre 2024, un amendement au projet de loi de finances 2025 a réouvert le débat pour financer le déficit de l’État. L’idée était de créer un cadre strict en confiant l’exploitation à des casinos physiques déjà autorisés. Cependant, face à la forte opposition des casinos terrestres et à la crainte d’une augmentation de l’addiction, l’amendement a été retiré. Le sujet reste d’actualité en 2025 ; certains députés plaident pour une légalisation encadrée, tandis que d’autres insistent sur la protection des joueurs.
Tendances européennes et influences sur la loi française
Les autres pays européens autorisent souvent les casinos en ligne moyennant des licences nationales ou transfrontalières. Le droit de l’Union européenne reconnaît cependant la compétence des États membres pour restreindre l’accès au marché des jeux d’argent lorsqu’il existe des raisons impérieuses d’intérêt général : protection des consommateurs, prévention de l’addiction, lutte contre la fraude. La jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (arrêt Liga Portuguesa, 2009) confirme qu’une interdiction peut être proportionnée si elle est cohérente et non discriminatoire. La France s’inspire de ces principes pour justifier son cadre restrictif.
Questions fréquemment posées sur les lois des casinos en ligne
Est-il illégal de jouer sur un site de casino étranger ? Sur le plan pénal, les joueurs ne sont pas poursuivis s’ils utilisent des sites non agréés. Toutefois, ces sites ne sont pas reconnus par l’ANJ et les joueurs ne disposent d’aucun recours en cas de litige. En outre, ils s’exposent à des risques d’escroquerie et de vol de données.
Pourquoi seuls certains jeux sont-ils autorisés en ligne ? Le législateur distingue les jeux selon leur potentiel addictif. Les machines à sous et la roulette ont un rythme rapide et des gains aléatoires à haut risque, tandis que les paris sportifs et le poker permettent une meilleure maîtrise des enjeux. La taxation et la surveillance sont aussi plus faciles sur ces derniers.
Les casinos en ligne seront-ils légalisés ? Les débats actuels montrent une ouverture progressive, mais aucune loi n’a encore été adoptée. La légalisation supposerait une adaptation du Code de la sécurité intérieure, la création d’une catégorie d’agrément pour les casinos en ligne et des mesures de prévention renforcées.
Quelles obligations ont les influenceurs et publicitaires ? Depuis 2023, les influenceurs doivent respecter des règles strictes en matière de promotion des jeux d’argent. Ils doivent afficher en permanence les messages d’avertissement légaux, ne pas viser les mineurs et ne pas faire la promotion de services de pronostics. La loi de 2023 réprime la promotion d’offres illégales sur les réseaux sociaux.
Conclusion
Les lois encadrant les casinos en ligne en France reposent sur un principe clair : la protection des joueurs prime sur la libéralisation du marché. La loi n° 2010‑476, l’ordonnance de 2019 et les articles du Code de la sécurité intérieure forment un corpus complet qui autorise uniquement les paris hippiques, les paris sportifs et le poker en ligne, tout en excluant les jeux de casino traditionnels. Les sanctions pour les opérateurs illégaux sont dissuasives, et l’ANJ veille à ce que l’offre légale reste sûre, intègre et responsable.
Alors que les discussions sur une possible légalisation des casinos en ligne reprennent régulièrement, l’État n’a pas encore franchi le pas. Les consommateurs doivent donc se tourner vers les opérateurs agréés pour jouer en toute légalité, rester vigilants face aux offres illégales et suivre l’évolution d’un cadre juridique en perpétuel ajustement.
Pour rappel : les jeux d’argent et de hasard peuvent être dangereux : pertes d’argent, conflits familiaux, addiction … Retrouvez des conseils complémentaires sur www.joueurs-info-services.fr (09-74-75-13-13, appel non surtaxé)
